Recueil Dalloz 2019 p.1040
René Dosière, Président
Membres de L’Observatoire de l’éthique publique
Quels sont les progrès récents réalisés en matière d’éthique publique selon l’Observatoire ?
La fin des années 1980 et les années 1990 ont été marquées par l’adoption de plusieurs grandes lois relatives au financement de la vie politique. Les années 2000 ont vu la création des « jaunes » budgétaires portant sur la transparence des rémunérations des membres des cabinets ministériels et des autorités administratives indépendantes. Depuis 2008, les comptes de la présidence de la République font l’objet d’un contrôle de la Cour des comptes.
Mais sans conteste, ce sont les années 2010 qui, à la suite de divers scandales et aux rapports Sauvé (2011), Jospin (2012) et Nadal (2015), ont permis les avancées institutionnelles les plus décisives. En matière de déontologie, il y a eu l’adoption des codes et chartes de déontologie de l’Assemblée nationale (2011), du gouvernement (2012) et de l’Élysée (2014). Mais surtout, deux grandes lois ont été votées : la loi sur la déontologie des fonctionnaires du 20 avril 2016 ainsi que la loi Sapin II du 9 décembre 2016 qui a créé l’Agence française anticorruption (AFA) et tenté de mieux encadrer la pratique du lobbying. En matière de transparence, il faut mentionner le décret du 21 février 2011 portant création d’Etalab qui a initié la politique d’open data du gouvernement ainsi que la loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale qui a institué un Parquet national financier.
Les lois ordinaire et organique du 11 octobre 2013 relatives à la transparence de la vie publique ont imposé le dépôt de déclarations de situation patrimoniale et d’intérêts par les parlementaires, les membres du gouvernement et des cabinets ministériels ainsi que de nombreux élus locaux. Le contrôle de ces déclarations a été délégué à une nouvelle institution, la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui est chargée de prévenir les conflits d’intérêts, désormais définis par le législateur. Les lois du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique ont, quant à elles, encadré le recours aux emplois familiaux par les parlementaires, supprimé la réserve parlementaire, réformé l’indemnité de frais de mandat des élus et amorcé la création d’un statut de collaborateur parlementaire. L’Observatoire en a tiré un bilan à l’occasion de son premier colloque qui s’est tenu à l’Assemblée nationale et au Sénat les 25 et 26 octobre 2018. Les actes de ce colloque seront bientôt publiés par l’Institut Universitaire Varenne.
Quels sont les défis à venir en matière d’éthique publique selon l’Observatoire ?
Lors de la naissance de l’Observatoire, nous avons publié une tribune intitulée « Transparence de la vie publique : beaucoup reste à faire » (Libération, 31 mai 2018). Nous y avons expliqué que les réformes des dernières années se sont essentiellement polarisées sur les questions de transparence parlementaire et que les chantiers prioritaires sont désormais ailleurs. D’une part, la réflexion doit porter sur le pouvoir exécutif, la haute fonction publique, les collectivités territoriales et les partis politiques. D’autre part, nous sommes convaincus que l’éthique publique ne doit pas concerner exclusivement les institutions et les responsables publics mais également la vie des affaires et les responsables d’entreprises.
S’agissant du pouvoir exécutif, la transparence présidentielle est loin d’être totale. Si la Cour des comptes rend un rapport annuel sur la gestion de la présidence de la République depuis 2008, il apparaît que l’Élysée demeure une forteresse où le droit pénètre lentement, que ce soit en termes de statut des collaborateurs, de comptabilité, de marchés publics ou d’accès aux documents administratifs. Au niveau gouvernemental, c’est le train de vie du personnel gouvernemental qui pose question : il subsiste une absence de publicité des frais de représentation des ministres et une hyper-opacité du budget de fonctionnement des cabinets ministériels. Pour la haute fonction publique, la problématique des allers-retours entre secteur public et secteur privé devrait interpeller davantage l’opinion publique.
Le train de vie des collectivités territoriales et des partis politiques a de quoi laisser songeur également. Nous pensons qu’il est urgent de faire la lumière sur le train de vie des quelque deux mille plus grands élus territoriaux. Quant aux partis politiques, il est temps de rendre leurs budgets plus transparents et de les doter d’un statut sui generis, le statut associatif n’ayant jamais été adapté à leurs spécificités.
Enfin, nous allons prochainement nous atteler au thème de l’éthique des affaires. Pour nous, l’entreprise appartient à la res publica. Nous ambitionnons ainsi que l’éthique sociale, l’éthique environnementale, l’éthique fiscale, l’éthique financière et l’éthique numérique soient au coeur des recherches à venir de l’Observatoire. Nous en profitons d’ailleurs pour inviter nos collègues privatistes et gestionnaires à nous rejoindre pour creuser ce sillon.