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Le conseil économique, social et environnemental en quête des bonnes règles déontologiques

L'Assemblée nationale examine à partir de mardi un projet de loi organique réformant le CESE, qui est chargé de conseiller les pouvoirs exécutif et législatif mais qui n'a qu'un avis consultatif.

Le conseil économique, social et environnemental en quête des bonnes règles déontologiques
AUREL

Quelle déontologie pour le Conseil économique, social et environnemental (CESE) ? C’est la question que pose l’Observatoire de l’éthique publique, fondé en 2018 par l’ex-député apparenté Parti socialiste de l’Aisne René Dosière. L’occasion lui est donnée par l’examen en commission des lois, à partir du mardi 8 septembre, d’un projet de loi organique réformant cette institution. Dans une note de treize pages qui devait être diffusée mardi, dont Le Monde a pu prendre connaissance, le directeur général de l’Observatoire, Matthieu Caron, y déplore que le volet déontologique soit « le grand absent » de ce texte et liste dix propositions pour améliorer la situation.

Relancée début 2018 dans le cadre de la réforme des institutions, la transformation du CESE, chargé de conseiller les pouvoirs exécutif et législatif mais qui n’a qu’un avis consultatif, a été stoppée par l’affaire Benalla. Le président de la République l’a remise sur les rails le 29 juin devant les membres de la convention citoyenne pour le climat réunis à l’Elysée. Le projet de loi, adopté dans la foulée en conseil des ministres, prévoit de faire du CESE « le carrefour des consultations publiques » afin d’« éclairer les pouvoirs publics sur les enjeux économiques, sociaux et environnementaux, en particulier sur les conséquences à long terme de leurs décisions ». De quoi redorer le blason d’une assemblée qui reste mal connue et n’a pas toujours eu bonne presse.

Si ses effectifs – 233 conseillers issus des syndicats, du patronat, d’ONG ou d’associations – seront réduits d’un quart, le Palais d’Iéna, à Paris, devrait voir son rôle renforcé : lorsqu’il sera saisi sur un projet de loi, le gouvernement n’aura plus à procéder à la plupart des autres consultations jusqu’à présent prévues par la loi. Pour M. Caron, cela est « susceptible de changer la nature, le travail et les besoins en personnel » du CESE, d’où la nécessité selon lui de remettre au premier plan la question de la déontologie au sein de l’institution.

Le juriste, qui salue une « vraie logique d’ouverture » à la tête du Conseil sur ce sujet, précise qu’un groupe de travail sur la moralisation de la vie du CESE a vu le jour en 2015 mais qu’« aucune politique déontologique d’ensemble n’a été décidée » à la suite de ses travaux.

 

Liés par des « relations d’intérêts »

De façon surprenante, la troisième chambre de la République a échappé ces dernières années à la plupart des lois qui ont profondément modifié le fonctionnement de l’Assemblée nationale et du Sénat en la matière. Ses membres ne sont par exemple pas tenus de remplir des déclarations de patrimoine et d’intérêts, comme les parlementaires depuis 2013. « Ce choix s’explique par le caractère atypique du CESE, qui ne dispose pas de pouvoirs législatifs et dont les conseillers sont, en tant que tels, pour la plupart d’entre eux, des représentants d’intérêts », rappelle M. Caron.

Ce dernier juge difficile de transposer telles quelles les règles auxquelles sont soumis députés et sénateurs, au risque de créer la « confusion dans l’esprit de nos concitoyens » en faisant apparaître que « les membres du CESE sont liés par certaines relations d’intérêts ». « Par définition, les membres du Conseil défendent des intérêts catégoriels, mais ils le font dans un cadre institutionnel clair et transparent », souligne-t-il. Le chercheur suggère donc que ces derniers soient assujettis au même cadre, mais que les déclarations ne soient pas rendues publiques « en raison de leur caractère particulier ».

L’idée n’a pas été reprise par Laurianne Rossi, députée La République en marche des Hauts-de-Seine et questeuse de l’Assemblée. Mais celle qui est aussi vice-présidente de l’Observatoire de l’éthique publique s’est inspirée de plusieurs autres propositions de M. Caron pour des amendements qu’elle défendra lors de la discussion parlementaire. « Nous sommes face à des membres qui ne sont pas élus mais nommés, l’obligation d’éthique et de transparence est d’autant plus grande, cela contribue aussi à la modernisation du CESE », estime-t-elle.

 

Création d’un poste de déontologue

L’élue propose ainsi la création d’un poste de déontologue, nommé par le premier ministre, d’un code de déontologie et un contrôle de l’utilisation des frais de mandat des membres du Conseil. « Jusqu’à présent, l’indemnité représentative de frais a été versée de manière forfaitaire sans justification des dépenses », relève M. Caron dans sa note. S’ils sont adoptés, ces amendements qui posent de grands principes devront ensuite trouver une traduction concrète. « C’est à l’intérieur de l’institution que la révolution devra s’opérer, met en garde M. Caron. Si rien n’est fait, elle en sortira de nouveau affaiblie. »

Jean Grosset, questeur et membre du bureau du CESE, se dit « 100 % d’accord » avec une telle démarche, tout en demandant de garder à l’esprit « la sociologie particulière » de l’assemblée à laquelle il appartient. Et plutôt qu’un déontologue nommé par le premier ministre, il précise qu’une commission composée de « membres indépendants » issus de la Cour des comptes ou du Conseil constitutionnel aurait la préférence du CESE. La discussion dans l’Hémicycle doit commencer le 16 septembre.

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Publié le 08/09/2020 ∙ Média de publication : Le monde