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Pantouflage : la grande transhumance vers le privé des conseillers du quinquennat d'Emmanuel Macron

Près d’une centaine de conseillers ministériels ont rejoint le secteur privé depuis la réélection d’Emmanuel Macron. Une pratique légale, qui nourrit toutefois les soupçons de conflits d’intérêts.

Pantouflage : la grande transhumance vers le privé des conseillers du quinquennat d'Emmanuel Macron
Par Maxime Vaudano , Jérémie Baruch et Vincent Nouvet Publié le 06 janvier 2023 à 05h00, modifié le 07 janvier 2023 à 13h03 Temps de

Du public au privé, il n’y a parfois qu’un pas. Que de nombreuses chevilles ouvrières du premier quinquennat d’Emmanuel Macron ont franchi ces derniers mois, en rejoignant de grandes entreprises, des cabinets de conseil ou des lobbys industriels.

Les remaniements gouvernementaux qui ont suivi la réélection du président ont poussé plus de 15 % des collaborateurs ministériels à gagner le secteur privé. Au total, au moins 91 d’entre eux y évoluent aujourd’hui, selon un décompte du Monde comprenant les 602 conseillers en poste en janvier 2022. La majorité de ces mouvements peuvent être qualifiés de « pantouflages », puisqu’ils concernent des collaborateurs issus d’une carrière dans le public.

De précieux lobbyistes

Parfaitement légal, le pantouflage des agents publics n’en suscite pas moins des débats déontologiques récurrents sur fond de soupçons de conflits d’intérêts. Tel conseiller a-t-il été recruté par cette entreprise en rétribution d’une décision favorable prise dans le cadre de ses fonctions ? Tel ex-collaborateur parti dans le privé va-t-il utiliser son carnet d’adresses pour obtenir des faveurs du gouvernement ?

Auprès des intéressés, la question agace. « On nous diabolise, mais la vie en cabinet ne dure qu’un temps : il est normal de pouvoir poursuivre sa carrière ailleurs », argue une ex-conseillère pantoufleuse sous le couvert de l’anonymat. Comme elle, beaucoup revendiquent la capacité de séparer strictement intérêts du public et du privé. « Ce que je fais aujourd’hui n’a rien à voir avec mes fonctions en cabinet », assure-t-elle. Ce dont il est permis de douter pour certains anciens conseillers, recrutés précisément pour leur carnet d’adresses et leur influence, réelle ou supposée.

Ainsi, au cours des derniers mois, les lobbys des producteurs de pesticides, des brasseurs, des sodas, des producteurs céréaliers et des transports publics ont tous pioché dans les cabinets ministériels macroniens pour renouveler leurs états-majors. Or, ces organisations ont pour mission prioritaire d’influencer les décideurs publics dans le sens de leurs intérêts. Et elles raffolent de ces profils rompus au fonctionnement des ministères.

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Publié le 06/01/2023 ∙ Média de publication : Le Monde