René Dosière, président de l'Observatoire de l'éthique publique : "Nous appelons à la création d'une plateforme donnant accès à la rémunération des élus"
René Dosière insiste, dans une tribune au « Monde », sur la nécessité de mettre en place de véritables mesures de transparence sur le coût de la vie publique : « l’attachement des Français à leurs institutions et à ceux qui les dirigent exige un comportement exemplaire, guidé exclusivement par l’intérêt public », insiste-t-il.

Le 3 septembre, nous nous sommes vu confier par le premier ministre François Bayrou, deux universitaires membres de l’Observatoire de l’éthique publique, Elina Lemaire et Jean-François Kerléo, un magistrat de la Cour des comptes et moi-même, une mission d’une durée de trois mois consistant à faire la lumière sur les rémunérations et avantages divers des élus de la République, afin que les citoyens puissent disposer de données objectives et concrètes. Depuis la première nomination de son successeur, Sébastien Lecornu, le 9 septembre, aucune nouvelle de cette mission, que le silence de l’exécutif rend caduque.
Avec le concours des services du gouvernement, du Parlement et des collectivités locales, la mission était censée dresser un état des lieux aussi exhaustif que possible de l’ensemble des indemnités et avantages, connus et inconnus, des élus et ministres de la République. Il est indubitable que des progrès ont été réalisés ces vingt dernières années en matière de transparence, de déontologie, et de probité des responsables politiques.
Quelques exemples significatifs en témoignent :
- les fonds secrets utilisés pour payer, en liquide, les ministres et leurs cabinets ont été supprimés et remplacés par une rémunération transparente et fiscalisée ;
- le budget de l’Elysée, désormais connu, est le mieux contrôlé de la République ;
- les frais de mandat des parlementaires sont encadrés et vérifiés, et le régime de pension des députés aligné sur celui de la fonction publique ;
- la vérification rigoureuse et exhaustive par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) du patrimoine des responsables politiques nationaux et locaux rend impossible tout enrichissement indu des intéressés.
Pour autant subsistent des zones noires – les secrets –, les zones grises – l’opacité –, et les zones blanches – les vides juridiques – qu’il convient de mettre sur la table, sans totem ni tabou, pour en finir avec le sentiment que les responsables politiques ont des choses à cacher. Cela concerne, notamment, le logement et les fonds mis à disposition des ministres et de leurs cabinets ; les avantages matériels et les frais de représentation des élus locaux ; les cumuls d’indemnités publiques ; la prévention des conflits d’intérêts et le développement des référents déontologues des élus, toujours ignorés au gouvernement et à la présidence de la République.
Restaurer la confiance
Depuis sa création en 2018, l’Observatoire de l’éthique publique contribue par ses travaux à restaurer la confiance nécessaire envers la vie publique. Ses propositions s’efforcent de dessiner les contours d’une politique globale de la transparence, de la déontologie et de la probité des responsables et institutions publiques alors que trop de décisions sont prises sans vision d’ensemble et parfois teintées de démagogie.
C’est dans cet esprit que nous appelons aujourd’hui à la création d’une plateforme Internet donnant accès à la rémunération des élus. Géré par une institution indépendante comme la HATVP, ce site hébergerait l’intégralité des informations relatives à l’indemnisation des élus, sous forme de fiches simplifiées, de foire aux questions, de décodage des infox, de comparaison avec les élus étrangers et les cadres du privé, permettant ainsi aux citoyens de mieux connaître le train de vie réel des responsables publics.
En l’occurrence, l’aspect financier est marginal, puisque l’ensemble du coût global de la mission dite « Pouvoirs publics », et qui recoupe les crédits de la présidence, du gouvernement, des Assemblées parlementaires, et du Conseil constitutionnel, représente à peine un millième du total de la dépense publique française. Mais l’attachement des Français à leurs institutions publiques et aux responsables qui les dirigent exige un fonctionnement et un comportement exemplaires guidés exclusivement par l’intérêt public.
Leur relation se construit sur l’exigence de transparence, alors que les non-dits nourrissent le complotisme. D’où la nécessité de poursuivre nos efforts en faveur de la transparence : cela renforce notre démocratie, si menacée en Europe et ailleurs, et protège notre République. Sans doute, quoi qu’il arrive, certains de nos concitoyens n’adhéreront jamais à l’idée que les élus s’engagent pour servir alors qu’ils les accusent de se servir. Il est malgré tout indispensable de regagner l’estime de celles et ceux qui demandent à être éclairés.
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Publié le 14/10/2025 ∙ Média de publication : Le Monde
L'auteur

René Dosière
Président - Député honoraire