Pour un statut de l'élu local d'opposition
La question du statut de l’élu local est aujourd’hui largement débattue pour apporter des réponses à la crise de la démocratie locale qui s’extériorise de multiples manières et notamment par la crise des vocations ou les démissions de conseillers locaux, principalement municipaux. Si le rapport Woerth de mai 2024 en appelle à une rénovation de la démocratie municipale dans sa globalité, celui-ci ne contient aucune disposition pour renforcer le rôle et les droits de l’opposition. Pourtant, selon les résultats d’une étude réalisée par l’AÉLO, le pourcentage de démissions d’élus apparaît trois fois plus élevé dans les rangs de l’opposition (19 %) que dans ceux de la majorité (6 %). C’est dire si les mécanismes démocratiques ne fonctionnent pas encore de manière optimale au niveau local. Ainsi, les élus d’opposition demandent « plus de débats » dans des conseils perçus comme des « chambres d’enregistrement » et « plus d’inclusion » sur les « projets structurants ». L’ambition de ce livre blanc est donc de proposer un certain nombre de solutions afin d’améliorer le statut de l’opposition au sein des assemblées délibératives locales et tout particulièrement au sein du bloc communal. Afin d'appréhender pleinement la question de l'opposition locale, notre analyse s'articulera autour de trois axes complémentaires : * Dans un premier temps, sera dressé un état des lieux précis de la situation actuelle des élus d'opposition, mettant en lumière leur position souvent fragilisée et les ressources limitées dont ils disposent face aux majorités en place. * Dans un second temps, seront présentées diverses propositions concrètes visant à renforcer les droits de l'opposition dans le fonctionnement des assemblées locales des régions, des départements et des communes * Enfin, notre troisième partie s'attardera sur le cas spécifique des inter-communalités qui, faute d’être élues au suffrage universel direct, ne connaissent exactement pas le système binaire traditionnel majorité/opposition. Ces différentes dimensions méritent d'être étudiées en profondeur pour comprendre les défis auxquels fait face l'opposition locale aujourd'hui.

Proposition 1
Insérer à l'article L2121-28 II CGCT le droit, au sein des conseils municipaux des communes de plus de 100 000 habitants, de constituer des groupes d'opposition comme c'est le cas pour les Conseils départementaux et les Conseils régionaux.
Proposition 2
Préciser dans cet article ainsi que dans les articles L3121-24 alinéa 2 et L4132-23 alinéa 2 CGCT susmentionnés, qu'un groupe se compose d'au moins 5% des membres de l'assemblée délibérante.
Proposition 3
Modifier l'article L2121-28 CGCT pour que ces dispositions soient applicables aux communes de plus de 20 000 habitants et non plus seulement aux communes de plus de 100 000 habitants.
Proposition 4
Mettre en place un droit pour les élus locaux d'opposition de demander au chef de l'exécutif local de convoquer l'assemblée délibérante de la collectivité, dans un délai maximal de trente jours, si celle-ci ne s'est pas réunie pendant un mois.
Proposition 5
Préciser à l'article 2121-28 II CGCT que le règlement intérieur du conseil municipal doit déterminer les droits spécifiques des groupes minoritaires ou s'étant déclarés d'opposition.
Proposition 6
Prévoir une proportion spécifique, dans la composition des organes internes des assemblées délibérantes, réservée à l'opposition locale, afin que celle-ci puisse prendre davantage part, au quotidien, à l'organisation des travaux de l'assemblée délibérante.
Proposition 7
Obliger tout membre de l'organe délibérant d'une collectivité territoriale ou d'un établissement public de coopération intercommunale à suivre, au cours des trois premiers mois de son mandat, une session d'information d'une durée de 15 heures minimales sur les fonctions d'élu local et les règles de fonctionnement de l'assemblée délibérante.
Proposition 8
Allonger les délais de convocation aux séances de l'assemblée délibérante pour que les élus puissent disposer du temps utile à la prise de décision et garantir leur droit à l'information.
Proposition 9
Renforcer le droit d'information des élus d'opposition en ajoutant les projets d'arrêtés à la liste des documents obligatoirement fournis dans le cadre de la convocation de l'assemblée délibérante.
Proposition 10
Étendre le droit d'accès aux documents administratifs et financiers en imposant un délai pour la transmission des documents demandés.
Proposition 11
Renforcer la capacité de contrôle des conseillers en affirmant que le numérique est un outil à la disposition des conseillers dans le cadre de l'exercice de leur droit à l'information au sens de l'article L2121-13.
Proposition 12
Il est proposé que lors de la séance d'installation du conseil municipal, les conseillers fixent par délibération une liste de documents devant leur être obligatoirement transmis lorsqu'est en discussion le compte administratif, le budget primitif et les contrats publics.
Proposition 13
Autoriser l'assemblée délibérante à déterminer un montant au-dessus duquel toute décision financière doit obligatoirement faire l'objet d'une communication numérique auprès de l'ensemble des conseillers.
Proposition 14
Renforcer le rôle du référent déontologue des élus en lui attribuant un rôle de médiateur pour l'exercice du droit d'accès aux documents administratifs et financiers des élus d'opposition.
Proposition 15
Il est recommandé de rendre obligatoire l'enregistrement et la diffusion des réunions du conseil municipal pour les communes de plus de 3500 habitants, des conseils départementaux et régionaux, sous réserve de l'exercice par l'exécutif de son pouvoir de police de l'assemblée.
Proposition 16
Réviser l'article 170 de la loi « 3DS » pour ouvrir la possibilité de recourir à la visioconférence lors d'un conseil municipal en raison d'un motif légitime. Les conseillers municipaux fixeront eux-mêmes, au sein du règlement intérieur de l'assemblée et par délibération, les motifs considérés comme légitimes.
Proposition 17
Fixer dans la loi un délai minimal de temps de parole accordé aux élus lors de l'examen de documents ou délibérations significatifs pour le fonctionnement de la collectivité à l'instar du budget ou de toute prise de décision locale engageant les finances communales.
Proposition 18
Définir dans les règlements intérieurs un temps disponible par question orale comprenant à la fois le temps de la question et la réponse attendue.
Proposition 19
Imposer dans les règlements intérieurs que les questions portées à l'ordre du jour par des membres de l'assemblée délibérante soient traitées dans les premiers points de l'ordre du jour, notamment après l'approbation du PV de la réunion précédente.
Proposition 20
Instituer dans la loi un droit d'amendement concernant les délibérations soumises aux assemblées délibérantes.
Proposition 21
Il est proposé de modifier l'article L.2121-22-1 du code général des collectivités territoriales pour réduire le seuil de constitution d'une mission d'information et de rendre obligatoire la participation d'usagers à cette mission dès lors que celle-ci porte sur l'évaluation d'un service public local.
Proposition 22
Instituer un délai de 3 à 6 mois pour rendre publiques les conclusions de la mission d'information.
Proposition 23
Confier la présidence de la commission d’appel d’offres à un élu d’opposition et quand elle existe, de la commission des finances.
Proposition 24
Instaurer l'élection des représentants intercommunaux au suffrage universel direct sur une circonscription unique, permettant ainsi l'émergence d'une véritable opposition basée sur des programmes politiques.
Proposition 25
À défaut, clarifier la notion d'opposition intercommunale en imposant des conditions minimales (représentation d'au moins deux communes ou 10% des communes membres) pour la constitution de groupes d'opposition.
Proposition 26
Étendre le droit d'information des conseillers communautaires en rendant obligatoire la communication des ordres du jour et des relevés de décisions du Bureau communautaire.
Proposition 27
Réorganiser la composition des commissions thématiques selon une double représentation : 75% des sièges pour les communes (représentation proportionnelle) et 25% pour les groupes politiques.
Proposition 28
Étendre les avantages matériels pour les groupes d'élus prévus par l'article L. 2121-8 du CGCT à l'ensemble des intercommunalités, sans distinction de taille.
Publié le 22/05/2025
Sous la direction de

Aurore Granero
L'auteur

Sébastien Bénétullière
Auteur

Remi Lefebvre
L'autrice

Florence Lerique
L'auteur

Pierre Meurisse
L'auteur
