Mieux encadrer les dépenses de communication des collectivités territoriales
Fichiers
L’objet de cette note est-il de synthétiser les difficultés juridiques et éthiques soulevées par ces dépenses (1) et de dessiner un régime juridique plus ambitieux visant à assurer la bonne gestion des deniers publics en la matière (2).

Dès sa création, l’Observatoire de l’éthique publique a expliqué que les principaux progrès à accomplir en matière de transparence et de déontologie des institutions politiques se situaient du côté des collectivités territoriales. En effet, si à l’échelle nationale, la situation est loin d’être parfaite et totalement satisfaisante, sous la pression de la société civile et des médias, les pouvoirs exécutif et législatif ont largement pris en compte la demande d’éthique des citoyens au cours des dix dernières années.
À l’échelle locale, la culture de l’éthique tarde à émerger. Les raisons en sont multiples : problème de compétence et de formation des élus locaux ; exposition élevée aux risques éthiques en raison du pilotage quotidien des deniers publics ; persistance de très nombreuses zones grises (opacité) et blanches (vides juridiques) dans certains domaines.
Certes, des améliorations notables ont eu lieu et l’OEP essaie d’y contribuer. Il a par exemple été à l’origine de la création d’un référent déontologue des élus locaux et à la transparence des « indemnités de toute nature » perçues par les conseillers municipaux . En créant les assises nationales de l’éthique publique locale en 2022 et au travers de ses différents travaux consacrés aux questions de transparence et de déontologie locales, l’Observatoire entend prend sa part à l’acculturation éthique des collectivités territoriales.
La présente note porte sur un sujet crucial en la matière : la problématique des dépenses de communication externe des collectivités locales.
En novembre 2024, la Chambre régionale des comptes (CRC) d’Auvergne Rhône-Alpes a rendu un excellent rapport public sur cette thématique. Ce rapport rend compte du contrôle de treize collectivités territoriales et établissements publics de coopération intercommunale qu’elle a réalisé en 2023 et 2024 dans le cadre d’une enquête régionale déclenchée par une demande citoyenne déposée sur la plateforme participative de la CRC. Ce dispositif de démocratie participative permet salutairement aux citoyens de signaler, de manière sécurisée, des irrégularités, des dysfonctionnements et des mauvaises pratiques dans la gestion publique locale .
Les révélations médiatiques de l’été 2022 à propos des dépenses de communication de l’ancien président du Conseil régional d’Auvergne Rhône-Alpes, ont également probablement pesé dans le déclenchement de cette enquête. En juin 2022, un « dîner des sommets » a été organisé au château de La Chaize, réunissant environ 90 invités pour un coût total supérieur à 180 000 euros, soit près de 2 000 euros par convive. Par la suite, d'autres repas organisés à Paris ont également suscité des réactions, notamment deux dîners auxquels participait un écrivain célèbre. Ces derniers ont été critiqués en raison de leur montant, certains atteignant plus de 1 000 euros par personne. De telles dépenses ont soulevé des interrogations quant à l’utilisation des fonds publics si bien que le Parquet national financier (PNF) a cru bon ouvrir une enquête en février 2023. Dans ce cadre, des perquisitions ont été menées au siège de la région.
Face aux critiques, l’ancien président du Conseil régional d’auvergne Rhône-Alpes a affirmé qu’il n’avait pas été informé des montants engagés pour ces événements et a déclaré son intention de rembourser les sommes jugées excessives. En mai 2024, le tribunal administratif de Lyon a enjoint la région à communiquer la liste des invités de ce dîner. En décembre 2024, la région a été contrainte par le Conseil d’État de transmettre cette liste. L’enquête du PNF est toujours en cours et les oppositions régionales continuent de demander une transparence accrue dans l’utilisation des fonds publics .
En janvier 2025, l’OEP a regretté publiquement qu’un tel comportement, – qui nourrit la déconnexion et abîme la démocratie –, puisse encore exister. En effet, « ce type d’affaires alimente la terrible crise de confiance envers les élus de la République, qu’ils soient parlementaires ou élus locaux. A l’heure où les contribuables sont assommés par une ambiance économique morose et un discours général d’austérité, la crise se mue en défiance totale, à plus forte raison lorsqu’une telle déconnexion entre certaines dépenses publiques et les réalités du quotidien est révélée. Dans le contexte économique actuel, comment en effet ne pas s’encolérer de ce qu’une collectivité territoriale invite une centaine de personnes à un dîner chiffré à près de 1 200 euros par personne, financé par les finances publiques locales, sans prévision budgétaire préalable et sans contrôle démocratique ? Comment ne pas s’offusquer de la prise en charge par le contribuable d’un repas à plus de 1 200 euros en tête-à-tête avec un écrivain ? » .
Le lecteur de cette note est fondé à se demander quel est le lien entre ces frais de bouche et les fameuses dépenses de communication externe que nous avons évoquées plus haut. C’est là que réside tout l’intérêt du présent sujet, les collectivités ayant pris l’habitude de faire figurer discrétionnairement, à peu près tout et n’importe quoi dans la catégorie des dépenses de communication. À vrai dire, il n’existe pas de nomenclature budgétaire et comptable à part entière de ces dépenses lesquelles sont intraçables car disséminées dans d’innombrables lignes budgétaires en raison de l’absence de règles organisationnelles clairement définies. Résultat : si de telles dépensent sont censées promouvoir l’action des collectivités, elles sont parfois détournées par des élus peu scrupuleux pour faire leur propre promotion politique ou vivre à grands frais payées par leur collectivité.
Si le salubre et excellent rapport de la Chambre régionale des comptes fera date en ce qu’il réalise un inventaire du manque de clarté du régime des dépenses de communication des collectivités et du risque d’instrumentalisation par les élus qui en résulte, il s’avère relativement timoré en termes de propositions. Mais surtout, il ne met pas le doigt sur la principale difficulté qui réside dans l’absence de distinction entre ce qui devrait relever des frais de communication des collectivités et des frais de représentation des élus.
Fichiers
Publié le 12/06/2025
L'auteur

Matthieu Caron
Directeur général