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Note #5

Rendre plus transparent le train de vie du Parlement

L’analyse de ce qu’il faut à présent appeler l’affaire de Rugy n’est pas simple. Elle pose plusieurs questions de fond sur les rapports entre la morale, le droit et la politique. La déstabilisation rapide d’un ministre sur la foi d’images, dont le contexte reste sujet à caution, pose la question de la fragilité de la confiance dans le politique. Derrière les confusions qui ont pu être faites sur les révélations concernant François de Rugy, plusieurs éléments doivent être discernés.

 Certaines révélations situent très clairement François de Rugy dans l’illégalité. C’est notamment le cas des neuf mille deux cents euros de son indemnité représentative de frais de mandat (IRFM) qui auraient été utilisés pour s’acquitter de ses cotisations à son parti politique. Ces cotisations auraient, ensuite, fait l’objet d’une défiscalisation. Si cette pratique a conduit à des débats parmi les parlementaires, elle a été clairement qualifiée d’illégale depuis plusieurs années par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique1 , par la Commission nationale des comptes de campagne2 et par plusieurs déontologues successifs de l’Assemblée nationale3 . Il apparaît donc que François de Rugy, non seulement était dans l’illégalité, mais que tout laisse à penser que, celui qui sera la force d’impulsion de la réforme de l’IRFM, ne pouvait pas réellement ignorer cette illégalité

Viennent ensuite des éléments de l’affaire, dans son volet parlementaire, dont la légalité est douteuse. C’est notamment le cas des fameux dîners qui auraient eu lieu en compagnie d’amis à l’hôtel de Lassay. Très peu contrôlées par la questure, les dépenses de la présidence sont en partie comprises dans les frais de représentation. Ceux-ci doivent permettre d’organiser des évènements à caractère officiel en lien avec le rôle de l’institution. S’il s’agit de dîners ayant pour but d’ouvrir les réflexions de l’Assemblée nationale à la société civile, alors on peut s’interroger sur l’utilisation des frais de représentation. L’absence d’ordre du jour et d’ouverture des discussions aux autres parlementaires laisse penser que l’utilité de ces dîners fut bien mince. Quand bien même ce serait le cas, cela peut être jugé douteux, mais cela demeure légal. Si, en revanche, les dîners en question relevaient d’objectifs privés, alors leur organisation aux frais de l’Assemblée nationale tombe sous le coup de l’article 432-15 du code pénal. Mais qu’en est-il si des amis ont été invités dans le cadre d’une discussion plus ou moins formalisée sur des enjeux intéressants des secteurs qu’ils connaissent ou dans lesquels ils travaillent ? Leur présence peut se justifier, mais encore faut-il que les règles applicables soient claires. La conclusion de l’affaire de Rugy semble être celle-là. Les règles d’éthique dans une période de méfiance généralisée envers les décideurs protègent le politique bien plus qu’elles ne le menacent. Si la démission de François de Rugy est devenue évidente après les révélations sur les cotisations versées grâce à son IRFM, c’est que la règle enfreinte était claire et établie. Si cette démission n’a pas été retenue après les révélations portant sur les dîners de l’hôtel de Lassay, c’est parce qu’en la matière règle et contrôle étaient obscurs. Dès lors, reconnaître la faute n’avait rien d’une évidence, d’autant qu’il est probable que François de Rugy n’a pas eu l’impression de mal faire en organisant ces dîners. Des règles d’éthique doivent donc permettre aux politiques de savoir clairement de quel côté de la barrière ils se trouvent. Elles ne sont, en cela, pas seulement nécessaires à la confiance des citoyens, mais aussi, à l’heure de Médiapart et de l’information en continu, à la stabilité de l’État. Telle est l’ambition de cette note. Apporter des éléments pour que de nouvelles affaires de Rugy ne fragilisent pas, à intervalles réguliers, la confiance du peuple et la stabilité de la représentation nationale. Il convient de constater les progrès réalisés depuis quelques années (I), avant d’analyser les améliorations qui pourraient être apportées (II).

Fichiers

Publié le 17/07/2019

L'auteur

Matthieu Caron

Matthieu Caron

Directeur du département Éthique des affaires

L'auteur

Benjamin Morel

Benjamin Morel